MATINEES CULTURELLES – ANNEE ACADEMIQUE 2017-2018

MOTS DE BIENVENUE ET D’OUVERTURE EN CETTE OCCASION

Chers membres du conseil de l’Institut,

Très chers intervenants,

Chers professeurs,

Chers supérieurs des communautés religieuses de formation,

Chers étudiants de l’Institut de philosophie Saint François de Sales,

Distingués invités,

Aujourd’hui, il est difficile de ne pas trouver des points de connexion entre le nouveau culte d’internet et le vaste mouvement contre-culturel qui devient un phénomène de masse dans les années 60 aux Etats-Unis, et, sous diverses formes dans différents pays occidentaux. La contre-culture est un vaste courant qui englobe l’héritage de la « beat génération », le mouvement de contestation de la jeunesse, qui conduira notamment aux grandes révoltes étudiantes, le mouvement hippie, et toutes les nombreuses ramifications qui sont nées dans cette nébuleuse,  comme les mouvements alternatifs.

La société, aux yeux d’un grand nombre de gens, doit être conçue comme une communauté pacifique au sein de laquelle l’amour et l’altruisme occupent une place importante. De nombreux réseaux de vie produisent des musiques, des livres et des loisirs, une éducation, une alimentation et des médicaments spécifiques forment un univers underground qui concerne des milliers de centaines de personnes. Cette idée d’un nouveau monde a bien des points communs avec le mouvement contemporain d’internet, qui va mobiliser à son tour des centaines de milliers de jeunes notamment à la recherche d’une société plus fraternelle, plus communicante, plus pacifique. Le monde de l’internet est underground à sa manière. Il est l’underground actuel, le lieu qui permet de quitter le monde ordinaire.

Aujourd’hui, on parle du « jeunisme », c’est-à-dire la tendance à exalter la jeunesse, ses valeurs et à en faire un modèle obligé de tout comportement. Le culte de l’internet est un culte jeune, de jeunes et pour les jeunes. Il est conçu comme une espèce de processus  de « révolution permanente » où ce sont les jeunes qui déterminent la direction du mouvement. Nicholas Negroponte est l’auteur qui va le plus loin dans la mise en scène de ce jeunisme : « je vois cette même mentalité de décentralisation  à l’œuvre dans notre société sous l’impulsion de la jeunesse du monde numérique. La vision centralisatrice traditionnelle va devenir une chose du passé. La notion d’état va subir une mutation radicale. Pendant que les politiciens se débattent  avec l’héritage de l’histoire, une nouvelle génération, libérée des vieux préjugés, émerge  du paysage numérique. La technologie numérique  peut être une force naturelle attirant les gens dans une plus grande harmonie mondiale ».


C’est aussi dans le cadre du « jeunisme » que l’on trouve l’apologie systématique de la vitesse, devenue une nouvelle croyance. Ce qui va vite, est mieux, plus proche du monde de l’esprit. La vitesse est ce qui nous libère du corps et nous rapproche des autres en permanence. « La réalité de l’information, dit Paul Virilio, est toute entière contenue dans sa vitesse de propagation ».[1] Un peu plus tard, Alain Madelin affirmait : « En réalité, le nouveau monde qui vient porte une formidable chance de renaissance d’une société à taille humaine et, dans ce nouveau monde, ce ne sont pas les gros qui triomphent des petits ; ce sont les rapides contre les lents ».


A la fin de l’année 2004, plus de 600 millions de téléphones portables avaient été vendus dans le monde. Les abonnés américains ont passé plus de 15 milliards d’heures sur leur téléphone cellulaire ; les européens ont envoyés 113 milliards de SMS ; et la Chine avec ses 200 milliards de messages texte se classe en tête de cette catégorie. Grâce au sans-fil, nous avons coupé le cordon, et nous voilà étourdis de liberté. Téléphoner est devenu une nouvelle dimension de l’individualisme moderne, un attribut de la liberté personnelle dans sa version XXIe  siècle. Et si, c’était aussi paradoxalement un nouvel esclavage ?

A l’origine, la communication mobile est, comme d’autres avant elle, un besoin créé par les industriels qui fabriquent les téléphones portables. Tout se décide du côté de l’offre. Motorola, Intel, Nokia, Sony Ericsson, Samsung, Vodafone, Microsoft, Orange, SFR, Bouygues et bien d’autres commercialisent a  l’échelle de la planète des gadgets et des services sans fil. De prodigieux efforts de développements transforment tous les secteurs du marché. : Matériel, réseaux, systèmes d’exploitation, logiciels, etc. La téléphonie sans fil bénéficie d’investissements massifs à la hauteur des enjeux. Le nombre de portables a déjà dépassé celui des téléphones fixes. Et tout indique que sa véritable explosion  n’est pas encore advenue. Parce que la multiplication des appareils et des services et le marketing qui l’a accompagnée ont entrainé une transformation sociale de grande ampleur. Avec une myriade de téléphones nomades dotés de fonctions multiples (calculatrice, montre, jeux, appareil photo, camera vidéo, radio, télévision, internet, etc.), nous voulons communiquer avec le monde entier tout en nous déplaçant. Nous aspirons à ce que les spécialistes appellent le « contact permanent ».

Le monde merveilleux de la mobilité séduit et fascine. Il risque aussi d’engendrer le chaos, car en développant des standards incompatibles, des firmes rivales prennent les abonnés en otage et morcellent le marché, rendant difficile parfois, sinon impossible l’utilisation d’un seul appareil pour passer des appels, télécharger des données, consulter internet, recourir au visiophone,… La compétition qui se déchaine autour des prochaines générations de technologies mobiles pourrait amplifier ces problèmes. Voilà donc en gros, la situation dans laquelle nous nous trouvons  à l’ère de l’information et de la communication. A travers les conférences qui vont suivre, essayons de voir ce qui se dessine ou qui peut se dessiner à l’horizon, essayons de contempler le panorama, de comprendre ce qui est en jeu et ainsi  pouvoir fixer avec objectivité notre position pour défendre ce que nous avons toujours essayé de défendre : l’homme, la personne humaine.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *